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Date :     06-12-2002

Sujets :
Environnements hypertextes : César, Horace, Sénèque, Tacite - Langues modernes & environnements hypertextes - L'Ecole des savoirs (Robin DELISLE) - George STEINER, Passions impunies

Notice :

1. Nouveaux environnements hypertextes disponibles sur la Toile au sein du Projet ITINERA ELECTRONICA :

2. Mise en appétit :

Dimanche passé s'est tenu, à la télévision belge, un débat dont le sujet était l'utilité d'un système monarchique au XXIe siècle. Dans la pièce Les Phéniciennes,et plus précisément dans les derniers vers conservés de cette pièce de théâtre, les frères Etéocle et Polynice débattent aussi du concept de la monarchie :

(Eteocles) Regnare non uult, esse qui inuisus timet.
655 Simul ista mundi eonditor posuit deus,
Odium atque regnum. Regis hoc magni reor,
Odia ipsa premere. Multa dominantem uetat
Amor suorum ; plus in iratos licet.
Qui uult amari, languida regnat manu.

[660] (Polynices) Inuisa nunquam imperia retinentur diu.
(Eteocles) Praecepta melius imperii reges dabunt ;
Exsilia tu dispone. Pro regno uelim
Patriam, penates, coniugem flammis dare.
Imperia pretio quolibet constant bene.

(Étéocle) Celui-là ne veut pas régner, qui craint de se rendre odieux. Le dieu qui a créé le monde a placé la haine à côté de la royauté : comprimer la haine par la force, c'est ce que j'appelle être vraiment roi.
L'amour des sujets met le pouvoir à la gêne. Il est à l'aise avec des mécontents; la royauté s'énerve en cherchant à plaire. Qui aspire à se faire aimer exerce mollement le pouvoir.

[660] (Polynice) Un pouvoir odieux ne dure pas.
(Étéocle) C'est aux rois à dire comme il convient de régner : toi, apprends à vivre dans l'exil. Pour conserver le trône, je livrerais aux flammes ma patrie, mes pénates, mon épouse. On ne peut payer trop chèrement une couronne.

Est-il besoin de dire qu'aucun des participants au débat n'a défendu une conception pareille de la monarchie.

3.Langues modernes & environnements hypertextes :

Dans le cadre d'un enseignement à venir, lié à un D.E.A. - Sciences du Langage, nous avons élaboré des environnements hypertextes sur le modèle de ceux du Projet ITINERA ELECTRONICA.

Nous avons le plaisir de vous en donner la primeur; une présentation POWERPOINT (1 Mo) vous guidera au travers des méandres de cet ensemble d'applications sur la Toile qui sont reliées les unes aux autres pour permettre aux étudiants, enseignants et chercheurs de passer d'une forme à son contexte, puis, à la phrase dans laquelle elle se situe, puis, à la traduction de cette phrase dans une autre langue moderne, aux outils lexicographiques les plus courants, etc.

L' environnement hypertexte créé est double: langue anglaise vers langue française et langue française vers langue anglaise.

La base textuelle est fournie par le site LABEL FRANCE qui présente un même texte en version originale française avec des traductions en langues anglaise, espagnole ou allemande.

Nous avons repris, pour les besoins de la cause, l'un ou l'autre des articles y publiés. Mais une adaptation a été nécessaire: ces données textuelles ne disposent pas, en effet, d'une division logique du texte en, par exemple, livre, chapitre et paragraphe. Divisions nécessaires à la correspondance entre le texte de la langue source et celui de la langue cible lorsqu'il faudra afficher à l'écran une (ou des) réponse(s) en fonction d'un critère de sélection / d'interogation introduit. Pour y remédier, nous avons recouru à une division physique du texte en phrases. Un travail préparatoire a consisté en l'élimination des points ne signifiant pas une rupture de fin de phrase (ex.: chiffre "10.000"), puis, en la vérification des fins de phrases en elles-mêmes car le sytème linguistique d'une langue (le français) ne place pas nécessairement les fins de phrases au même endroit, même en cas de traduction, que ce n'est le cas dans une langue cible (en l'occurrence, l'anglais).

Opération qui permet aussi de constater que certains passages n'ont pas été traduits: à titre d'exemple, dans l'interview d'Alain FINKIELKRAUT, faite en janvier 2000 par Anne RAPIN, - entrevue parue dans le n° 38 de LABEL FRANCE -, deux questions ne semblent pas avoir été traduites: Qu'est-ce qui devrait à l'avenir fonder la nationalité française selon vous ? et Comment voyez-vous la place des intellectuels dans le monde d'aujourd'hui et de demain?.

Après découpe et numérotation des phrases les processus de création des différents outils et facettes d'un environnement hypertexte peuvent être lancés.

Notre intention n'est pas de continuer ces environnements pour des langues modernes avec la même assiduité et au même rythme que les productions mises à disposition et portant sur la langue latine au sein du Projet ITINERA ELECTRONICA : nous n'en avons tout simplement pas les moyens. Cependant, la possibilité existe; si des enseignants ou des chercheurs veulent y recourir à leur tour pour des approches pédagogiques similaires, ils peuvent le faire en nous fournissant les données textuelles, préparées et vérifiées, sur support électronique.

4. Robin DELISLE et l'Ecole des savoirs de Radio France Internationale (RFI):

C'est frais, c'est instructif, c'est "communicatif": Robin DELISLE à la radio avec une classe de jeunes apprenants de la langue latine en salle didactique informatique. L'émission a été diffusée le mardi 3 décembre 2002. Nous avons pu télécharger le fichier de l'émission et le mettre à disposition sur la Toile (3,2 Mo; à écouter avec Windows Media Player).

L'enseignement est pratiqué complètement en salle didactique informatique : l'enseignant a la foi et la fibre informatique, les étudiants sont appliqués et enthousiastes. Ce latin là, il vit. Et l'apostrophe, en fin d'émission, lancée par un étudiant à la journaliste "Pulchra puella es" dénote, pour le moins, d'un apprentissage rapide. Nous vous recommandons l'écoute de cette émission.

5. Recréation sous forme de deux extraits tirés du livre de George STEINER, Passions impunies (NRF Essais, Gallimard, 1996; titre original: No Passion spent, London, Faber and Faber, 1996).

Extrait n° 1: L'atrophie de la mémoire (pp. 29-31) :

L'atrophie de la mémoire est le trait dominant de l'éducation et de la culture dans la seconde moitié du XXe siècle.

La grande majorité d'entre nous n'est même plus capable d'identifier, encore moins de citer, les passages centraux de la Bible ou des classiques qui ont été non seulement le script sous-jacent de la littérature occidentale (de Caxton à Robert Lowell, la poésie anglaise a porté en elle l'écho implicite de la poésie antérieure), mais aussi l'alphabet de nos lois et de nos institutions publiques.

Les allusions les plus élémentaires à la mythologie grecque, à l'Ancien et au Nouveau Testaments, aux classiques, à l'histoire ancienne et européenne sont devenues hermétiques.
Des bribes de texte mènent désormais une vie précaire sur de grandes échasses de notes en pied de page.
L'identification de la faune et de la flore, des principales constellations, des heures liturgiques et des saisons dont, comme l'a montré C. S. Lewis, dépend intimement la compréhension la plus élémentaire de la poésie, du drame et du roman occidentaux, de Boccace à Tennyson, relève désormais du savoir spécialisé.

Nous n'apprenons plus par coeur.

Les espaces intérieurs sont muets ou encombrés de vétilles aux voix de crécelles.
(Ne demandez pas à un étudiant, même bien préparé, de répondre au titre de Lycidas de Milton, de vous dire ce qu'est une églogue, de reconnaître ne serait-ce qu'une seule des allusions et échos horaciens chez Virgile et Spenser qui donnent aux quatre premiers vers du poème leur sens, le sens de leur sens. Aux États-Unis notamment, l'éducation n'est plus qu'amnésie programmée.)

Les nerfs de la mémoire ne sauraient être tendus que lorsque règne le silence, le silence si explicite dans le portrait de Chardin.
[tableau: Un philosophe occupé de sa lecture, date: 1734, Musée du Louvre, Paris]

Apprendre par coeur, transcrire fidèlement, lire pleinement, c'est être silencieux et habiter le silence.

Au point où en est la société occidentale, cet ordre du silence tend à devenir un luxe. Il appartiendra aux futurs historiens de la conscience (aux "historiens des mentalités") de mesurer le rétrécissement de notre champ d'attention, les dilutions de la concentration, liés au simple fait d'être interrompu par la sonnerie du téléphone, par ce fait ancillaire que, quoi que nous puissions faire et à moins de nous être imposé une stoïque résolution, nous répondrons pour la plupart au téléphone.

Nous avons besoin d'une histoire des niveaux de bruit, de la diminution de ces masses naturelles de silence, pas seulement nocturne, qui enveloppaient encore la vie quotidienne de Chardin et de son lecteur.

Des études récentes laissent penser qu'aux États-Unis près de soixante-quinze pour cent des adolescents lisent avec un fond sonore (radio, lecteur de compacts, poste de télévision dans le dos ou dans la pièce à côté). De plus en plus, des jeunes ou des adultes avouent être incapables de lire un texte sérieux sans fond sonore organisé.

Nous en savons trop peu sur la manière dont le cerveau traite et intègre des stimuli simultanés et contradictoires pour dire quel est au juste l'effet de cet input électronique sur les centres de l'attention et de la conceptualisation impliqués dans la lecture.
Mais il est au moins plausible de supposer que les capacités de compréhension exacte, de rétention et de réponse énergique qui nouent notre être à celui du livre s'en trouvent grandement diminuées. Nous avons tendance à être ce que le philosophe occupé de sa lecture de Chardin n'était point : des lecteurs à temps partiel, au rabais.

Extrait n° 2: Livre et Bibliothèque (pp. 26-28) :

En tant qu'objet, le livre lui-même a changé. Hormis dans le cadre de l'université ou des bouquinistes, rares sont ceux d'entre nous qui auront affaire au genre de tome que médite le lecteur de Chardin, plus rares encore ceux qui en auront l'usage.

De nos jours, qui fait relier ses livres ? Dans le format comme dans l'atmosphère de l'in-folio, tel que nous le voyons dans ce tableau, on devine, implicite, la bibliothèque privée, le mur d'étagères couvertes de livres, des escabeaux, des pupitres - bref, l'espace fonctionnel de la vie intime de Montaigne, d'Evelyn, de Montesquieu ou de Thomas Jefferson.

Cet espace occasionne à son tour des relations économiques et sociales distinctes : comme entre les domestiques qui époussettent et graissent les livres et le maître qui les lit, entre le sanctuaire intime du docte et le territoire plus vulgaire sur lequel la famille et le monde extérieur mènent une vie tapageuse de Philistins.

Nous sommes peu à connaître de telles bibliothèques, a fortiori à en posséder encore. Toute l'économie, toute l'architecture de privilèges dans laquelle s'inscrivait l'acte classique de lecture est désormais bien lointaine (nous visitons la Morgan Library à New York ou l'un des grands manoirs d'Angleterre pour voir, sur une échelle certes magnifiée, ce qu'était jadis le cadre effectif de la grande culture livresque).

L'appartement moderne, pour les jeunes notamment, manque tout simplement de place, de murs libres pour des rangées de livres, pour les in-folio, les in-quartos, les "opera omnia" en plusieurs volumes parmi lesquels le lecteur de Chardin a fait son choix. En vérité, il est saisissant de voir à quel point les rayonnages pour microsillons ou cassettes occupent désormais l'espace autrefois réservé aux livres (la substitution de la musique à la lecture est l'un des facteurs majeurs, et les plus complexes, des changements actuels de la sensibilité occidentale).

Où il y a des livres, de surcroît, ce sera, dans une plus ou moins large mesure, des livres de poche.

Il est hors de doute que la « révolution du livre de poche » a été une technique libératrice et créatrice, qu'elle a élargi la portée de la littérature et qu'elle a rendu à nouveau disponibles des champs entiers de matériaux, parfois même ésotériques. Mais l'envers de la médaille, c'est que le livre de poche est, matériellement, éphémère.

Accumuler des livres de poche, ce n'est pas constituer une bibliothèque. Par sa nature même, le poche présélectionne, procède par anthologie en piochant dans la totalité de la littérature et de la pensée. On n'y trouve pas, ou très rarement, les oeuvres complètes d'un auteur.
On n'y trouve pas ce que la mode du jour tient pour ses oeuvres mineures. Pourtant, ce n'est que lorsque nous connaissons l'intégrale d'un auteur, que nous nous penchons avec une sollicitude particulière, quoique chagrine, sur ses « échecs » pour nous forger une vision personnelle de son actualité, que l'acte de lecture est authentique.
Corné dans notre poche, abandonné dans la salle des pas perdus d'un aéroport, s'échappant de serre-livres de brique "ad hoc", le poche est une merveille d'emballage - de packaging - et une négation de la largesse de forme et d'esprit expressément affichée dans la scène de Chardin.

«Et je vis dans la main droite de celui qui siège sur le trône un livre roulé, écrit au recto et au verso, et scellé de sept sceaux.» [Apocalypse, v. 5,1]

Imagine-t-on un livre de poche scellé de sept sceaux ?

Les réflexions émises par G. STEINER à propos du livre nous conduisent naturellement à une autre réflexion que nous entendons ici et là concernant les réalisations virtuelles du Projet ITINERA ELECTRONICA:

Reprendre des éditions et des traductions du XIXe siècle, n'est-ce pas promouvoir un état de la langue ou un état scientifique dépassé voir caduc? N'est-ce pas introduire le lecteur dans l'erreur avec des vieilleries?.

Le chercheur, pour les besoins d'une thèse de doctorat - comme nous l'avons fait jadis à propos de Sigebert de Gembloux -, ne pourra certes pas se passer d'un examen critique des sources utilisées dans et pour sa recherche.
Il utilisera, par exemple, les CD-ROM produits par l'ex-CETEDOC (Centre de Traitement Electronique des Documents) dans le cadre de la CETEDOC Library of Christian Latin Texts qui sont censés attester le dernier état textuel atteint. Mais il les consultera dans une bibliothèque universitaire ou un centre de recherches, seuls lieux capables d'engager les dépenses considérables nécessaires à l'acquisition de ces instruments de travail.

Mais est-ce là le public que nous visons en premier lieu? Non, nous nous proposons de toucher l'enseignant et l'étudiant en leur offrant des instruments disponibles immédiatement et en libre accès.

Disponibles en salle didactique et aussi à domicile. Disponibles "pour exécution" mais aussi "en acte" pour de nouvelles constructions et élaborations personnelles (parcours didactiques, exercices, répertoires, dictionnaires etc.).

Livres "sur papier" et bibliothèques "en bois et étagères" se font rares; remplaçons-les par des équivalents virtuels. Seuls, les droits liés aux publications récentes, nous empêchent de fournir aussi le dernier état ou le texte le plus récent. Un héritage est nécessairement lié à un passé; faute de mieux, acceptons en héritage le double passé: celui de l'écrit et celui de son édition et/ou de sa traduction.


Jean Schumacher
6 décembre 2002


 
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Dernière mise à jour : 17/02/2002