Texte latin :
[10,50] flagrantis
post terga Noti, cedemus in ortus
Arsacidum domino. non felix Parthia Crassis
exiguae secura fuit prouincia Pellae.
iam Pelusiaco ueniens a gurgite Nili
rex puer inbellis populi sedauerat iras,
55 obside quo pacis Pellaea tutus in aula
Caesar erat, cum se parua Cleopatra biremi
corrupto custode Phari laxare catenas
intulit Emathiis ignaro Caesare tectis,
dedecus Aegypti, Latii feralis Erinys,
(10,60) Romano non casta malo. quantum inpulit Argos
Iliacasque domos facie Spartana nocenti,
Hesperios auxit tantum Cleopatra furores.
terruit illa suo, si fas, Capitolia sistro
et Romana petit inbelli signa Canopo
65 Caesare captiuo Pharios ductura triumphos;
Leucadioque fuit dubius sub gurgite casus,
an mundum ne nostra quidem matrona teneret.
hoc animi nox illa dedit quae prima cubili
miscuit incestam ducibus Ptolemaida nostris.
(10,70) quis tibi uaesani ueniam non donet amoris,
Antoni, durum cum Caesaris hauserit ignis
pectus? et in media rabie medioque furore
et Pompeianis habitata manibus aula
sanguine Thessalicae cladis perfusus adulter
75 admisit Venerem curis, et miscuit armis
inlicitosque toros et non ex coniuge partus.
pro pudor, oblitus Magni tibi, Iulia, fratres
obscaena de matre dedit, partesque fugatas
passus in extremis Libyae coalescere regnis
(10,80) tempora Niliaco turpis dependit amori,
dum donare Pharon, dum non sibi uincere mauolt.
quem formae confisa suae Cleopatra sine ullis
tristis adit lacrimis, simulatum compta dolorem
qua decuit, ueluti laceros dispersa capillos,
85 et sic orsa loqui: 'siqua est, o maxime Caesar,
nobilitas, Pharii proles clarissima Lagi,
exul in aeternum sceptris depulsa paternis,
ni tua restituit ueteri me dextera fato,
conplector regina pedes. tu gentibus aequum
(10,90) sidus ades nostris. non urbes prima tenebo
femina Niliacas: nullo discrimine sexus
reginam scit ferre Pharos. lege summa perempti
uerba patris, qui iura mihi communia regni
et thalamos cum fratre dedit. puer ipse sororem,
95 sit modo liber, amat; sed habet sub iure Pothini
adfectus ensesque suos. nil ipsa paterni
iuris inire peto: culpa tantoque pudore
solue domum, remoue funesta satellitis arma
et regem regnare iube. quantosne tumores
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Traduction française :
[10,50] et bien avant
dans les climats d'où le vent du midi se lève et le seul effort des
Arsacides nous arrête dans l'Orient ! Une petite province de
l'empire d'Alexandre a été l'écueil de nos armes, et le tombeau de
nos guerriers ! Le jeune Ptolémée, de retour de Péluse, avait calmé
par sa présence les clameurs d'un peuple timide, et César ayant pour
otage le roi captif dans son palais, y croyait être en sûreté. Ce
fut alors que Cléopâtre quittant la maison de campagne où elle était
reléguée, et s'exposant la nuit sur une barque, se présenta devant
le Phare, corrompit le gardien du port, dont elle fit baisser les
chaînes, et se rendit dans le palais des rois macédoniens, même à
l'insu de César : femme dangereuse, l'opprobre de l'Égypte, l'Érinys
des Latins, et dont les vices impurs ont fait le malheur de Rome.
Autant la fatale beauté de Sparte alluma de haines contre les héros
de la Grèce et de la Phrygie, autant Cléopâtre excita de fureurs
entre les plus grands des Romains. Au son du sistre égyptien, elle
jeta (je rougis de le dire) la terreur dans le Capitole. Avec le
peuple amolli de Canope, elle osa marcher contre les aigles
romaines, et se promettre de rentrer triomphante dans le port du
Phare, en y menant captif un César. Leucade vit le moment où il
était douteux si l'empire ne passerait pas aux mains d'une femme, et
d'une femme étrangère. Elle en conçut l'espoir, l'incestueuse fille
des Ptolémées, dès la première nuit qu'elle passa dans les bras de
César. Qui peut, Antoine, ne pas te pardonner ton amour insensé pour
elle ? L'âme inflexible de César a brûlé des mêmes feux. Au milieu
de ses fureurs, dans un palais habité par les mânes de Pompée, tout
fumant encore lui-même du sang versé dans la Thessalie, cet amant
adultère a pu mêler aux soins dont il était tourmenté les plaisirs
d'un honteux amour, et former au sein des alarmes des n?uds
criminels, dont les fruits feront rougir la pudeur et la foi. Quel
excès de honte ! Il oublie que sa fille a été la femme de Pompée ! Ô
Julie ! Il te donne des frères, nés d'une femme incestueuse, et pour
cette femme impudique, laissant à ses ennemis tout le temps de se
rassembler en Libye, il perd avec elle au sein des voluptés les
moments les plus précieux. Il aime mieux lui donner l'Égypte, que de
vaincre pour lui-même. Cléopâtre se confiant à sa beauté, parut
devant César, affligée, mais sans verser de larmes. Elle n'avait
pris de la douleur que ce qui pouvait l'embellir encore. Échevelée,
et dans ce désordre favorable à la volupté, elle l'aborde, et lui
parle en ces mots. "Ô César ! Ô le plus grand des hommes ! Si
l'héritière de Lagus, chassée du trône de ses pères, peut encore
dans son malheur se souvenir de son rang, si ta main daigne la
rétablir dans tous les droits de sa naissance, c'est une reine que
tu vois à tes pieds. Tu es pour moi un astre salutaire qui vient
luire sur mes États. Je ne serai pas la première femme qui aura
dominé sur le Nil, l'Égypte obéit sans distinction à une reine,
comme à un roi. Tu peux lire les dernières paroles de mon père
expirant : il veut qu'épouse de mon frère, je partage son lit et son
trône ; et le jeune roi, pour aimer sa s?ur, n'a besoin que d'être
libre. Mais Pothin s'est emparé de son esprit, comme de la
puissance. Ce n'est pas l'héritage de mon père que je réclame :
affranchis notre maison de la honte qui la souille. Daigne, César,
éloigner de lui le satellite armé qui l'assiège, et ordonne au roi
de régner. |
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