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César, Commentaires sur la Guerre civile, Livre III

Cleopatra

 


 


Texte latin :

 
[3,106] (106) Caesar paucos dies in Asia moratus, cum audisset Pompeium Cypri uisum, coniectans eum in Aegyptum iter habere propter necessitudines regni reliquasque eius loci opportunitates cum legione una, quam se ex Thessalia sequi iusserat, et altera, quam ex Achaia a Q- Fufio legato euocauerat, equitibusque DCCC et nauibus longis Rhodiis X et Asiaticis paucis Alexandriam peruenit. In his erant legionibus hominum milia tria CC; reliqui uulneribus ex proeliis et labore ac magnitudine itineris confecti consequi non potuerant. Sed Caesar confisus fama rerum gestarum infirmis auxiliis proficisci non dubitauerat, aeque omnem sibi locum tutum fore existimans. Alexandriae de Pompei morte cognoscit atque ibi primum e naue egrediens clamorem militum audit, quos rex in oppido praesidii causa reliquerat, et concursum ad se fieri uidet, quod fasces anteferrentur. In hoc omnis multitudo maiestatem regiam minui praedicabat. Hoc sedato tumultu crebrae continuis diebus ex concursu multitudinis concitationes fiebant, compluresque milites huius urbis omnibus partibus interficiebantur.

Traduction française :

 
[3,106] (1) César ne s'arrêta que quelques jours en Asie; informé que Pompée avait paru à Chypre, et conjecturant qu'il se dirigeait ves l'Égypte, tant à cause des amis qu'il avait dans le royaume, que des avantages qu'offrait le pays, il se rendit à Alexandrie avec dix galères de Rhodes et quelques autres d'Asie, sur lesquelles il avait embarqué huit cents chevaux et deux légions, l'une qu'il avait amenée de Thessalie, l'autre qu'il avait fait venir d'Achaïe, sous les ordres de Q. Fufius, son lieutenant. (2) Ces deux légions ne formaient guère que trois mille deux cents hommes: ceux qui restaient, affaiblis par leurs blessures, ou épuisés par les fatigues d'une longue marche, n'avaient pu suivre. (3) Mais César, comptant sur le bruit de ses succès, n'avait pas craint de partir aussi mal accompagné, et pensait qu'il serait partout en sûreté. (4) À Alexandrie il apprend la mort de Pompée: mais à peine est-il descendu à terre, qu'il entend les cris des soldats que le roi avait laissés en garnison dans cette ville, et qu'il voit la foule accourir vers lui, parce qu'il se faisait précéder des faisceaux, ce que tout le peuple regardait comme une atteinte à la majesté royale. (5) Ce premier tumulte apaisé, les jours suivants le peuple se souleva encore plusieurs fois, et il y eut plusieurs soldats de tués en divers quartiers de la ville.


Texte latin :

 
[3,107] (107) Quibus rebus animaduersis legiones sibi alias ex Asia adduci iussit, quas ex Pompeianis militibus confecerat. Ipse enim necessario etesiis tenebatur, qui nauigantibus Alexandria flant aduersissimi uenti. Interim controuersias regum ad populum Romanum et ad se, quod esset consul, pertinere existimans atque eo magis officio suo conuenire, quod superiore consulatu cum patre Ptolomaeo et lege et senatusconsulto societas erat facta, ostendit sibi placere regem Ptolomaeum atque eius sororem Cleopatram exercitus, quos haberent, dimittere et de controuersiis iure apud se potius quam inter se armis disceptare.

Traduction française :

 
[3,107] (1) César fit venir alors d'Asie d'autres légions qu'il avait formées des débris de l'armée de Pompée; quant à lui, il était retenu par les vents étésiens, qui sont très contraires aux navires sortant d'Alexandrie. (2) En attendant, il crut qu'il appartenait au peuple romain et à lui-même, en qualité de consul, de régler les différends survenus entre les deux rois, et qu'il y était d'autant plus obligé que, sous son consulat précédent, l'alliance avec Ptolémée, leur père, avait été confirmée par une loi et un décret du sénat. Il déclara donc qu'il jugeait convenable que le roi Ptolémée et Cléopâtre, sa soeur, licenciassent leurs armées et vinssent discuter devant lui leur querelle, au lieu de la décider entre eux par les armes.


Texte latin :

 
[3,108] (108) Erat in procuratione regni propter aetatem pueri nutricius eius, eunuchus nomine Pothinus. Is primum inter suos queri atque indignari coepit regem ad causam dicendam euocari; deinde adiutores quosdam consilii sui nactus ex regis amicis exercitum a Pelusio clam Alexandriam euocauit atque eundem Achillam, cuius supra meminimus, omnibus copiis praefecit. Hunc incitatum suis et regis inflatum pollicitationibus, quae fieri uellet, litteris nuntiisque edocuit. In testamento Ptolomaei patris heredes erant scripti ex duobus filiis maior et ex duabus filiabus ea, quae aetate antecedebat. Haec uti fierent, per omnes deos perque foedera, quae Romae fecisset, eodem testamento Ptolomaeus populum Romanum obtestabatur. Tabulae testamenti unae per legatos eius Romam erant allatae, ut in aerario ponerentur (hic cum propter publicas occupationes poni non potuissent, apud Pompeium sunt depositae), alterae eodem exemplo relictae atque obsignatae Alexandriae proferebantur.

Traduction française :

 
[3,108] (1) L'administration du royaume avait été confiée, à cause de l'extrême jeunesse du roi, à l'eunuque Pothin, son gouverneur. Cet homme commença par se plaindre avec colère à ses amis que le roi fût cité pour plaider sa cause; (2) ensuite, ayant trouvé parmi les favoris du roi des gens de son avis et disposés à le seconder, il appela secrètement l'armée de Pélusium à Alexandrie, et en donna le commandement à ce même Achillas dont on a parlé. (3) Après l'avoir bien excité par toutes les promesses qu'il lui fit, tant au nom du roi qu'au sien propre, il l'instruisit par lettres et par message de ses intentions. (4) Ptolémée le père avait, dans son testament, désigné pour ses héritiers l'aîné de ses deux fils et la plus âgée de ses deux filles; (5) et, par le même testament, il conjurait le peuple romain, au nom de tous les dieux et de l'alliance qu'il avait contractée avec lui, de faire observer ces dispositions. (6) Une copie de ce testament avait été apportée à Rome par ses ambassadeurs, pour être déposée dans le trésor public; et, comme les troubles domestiques ne l'avaient pas permis, elle avait été confiée à Pompée. Une autre copie, absolument semblable, avait été laissée à Alexandrie; c'était celle-là qu'on produisait.


Texte latin :

 
[3,109] (109) De his rebus cum ageretur apud Caesarem, isque maxime uellet pro communi amico atque arbitro controuersias regum componere, subito exercitus regius equitatusque omnis uenire Alexandriam nuntiatur. Caesaris copiae nequaquam erant tantae, ut eis, extra oppidum si esset dimicandum, confideret. Relinquebatur, ut se suis locis oppido teneret consiliumque Achillae cognosceret. Milites tamen omnes in armis esse iussit regemque hortatus est, ut ex suis necessariis, quos haberet maximae auctoritatis, legatos ad Achillam mitteret et, quid esset suae uoluntatis, ostenderet. A quo missi Dioscorides et Serapion, qui ambo legati Romae fuerant magnamque apud patrem Ptolomaeum auctoritatem habuerant, ad Achillam peruenerunt. Quos ille, cum in conspectum eius uenissent, priusquam audiret aut, cuius rei causa missi essent, cognosceret, corripi atque interfici iussit; quorum alter accepto uulnere occupatus per suos pro occiso sublatus, alter interfectus est. Quo facto regem ut in sua potestate haberet, Caesar efficit, magnam regium nomen apud suos auctoritatem habere existimans et ut potius priuato paucorum et latronum quam regio consilio susceptum bellum uideretur.

Traduction française :

 
[3,109] (1) Tandis que cette affaire se traitait devant César, et qu'il tâchait, autant que possible, de terminer à l'amiable et à la satisfaction commune la querelle des deux rois, on lui annonce tout à coup que l'armée et la cavalerie royale arrivent à Alexandrie. (2) César n'avait pas assez de troupes pour risquer une bataille hors des murs; il ne lui restait d'autre parti que de garder le poste qu'il occupait dans la ville, jusqu'à ce que les intentions d'Achillas lui fussent connues. (3) Cependant il fit prendre les armes à tous ses soldats, et exhorta le roi à députer vers Achillas quelques personnages des plus accrédités, pour lui faire savoir sa volonté. (4) Ce prince envoya vers Achillas Dioscoridès et Sérapion, qui avaient été ambassadeurs à Rome et qui avaient été en grand crédit auprès de Ptolémée le père. (5) Dès qu'ils parurent, Achillas, sans vouloir rien entendre, les fit saisir et massacrer: l'un, frappé et laissé pour mort, fut emporté par les siens; l'autre périt sur la place. (6) Sur cela, César se rendit maître de la personne du roi, persuadé que son nom serait d'un grand poids auprès de ses sujets, et voulant montrer ainsi que la guerre était entreprise par quelques misérables, et non par l'ordre du roi.


 


Texte latin :

 
[3,110] (110) Erant cum Achilla eae copiae, ut neque numero neque genere hominum neque usu rei militaris contemnendae uiderentur. Milia enim XX in armis habebat. Haec constabant ex Gabinianis militibus qui iam in consuetudinem Alexandrinae uitae ac licentiae uenerant et nomen disciplinamque populi Romani dedidicerant uxoresque duxerant, ex quibus plerique liberos habebant. Huc accedebant collecti ex praedonibus latronibusque Syriae Ciliciaeque prouinciae finitimarumque regionum. Multi praeterea capitis damnati exulesque conuenerant; fugitiuis omnibus nostris certus erat Alexandriae receptus certaque uitae condicio, ut dato nomine militum essent numero; quorum si quis a domino prehenderetur, consensu militum eripiebatur, qui uim suorum, quod in simili culpa uersabantur, ipsi pro suo periculo defendebant. Hi regum amicos ad mortem deposcere, hi bona locupletum diripere, stipendii augendi causa regis domum obsidere, regno expellere alios, alios arcessere uetere quodam Alexandrini exercitus instituto consuerant. Erant praeterea equitum milia duo. Inueterauerant hi omnes compluribus Alexandriae bellis; Ptolomaeum patrem in regnum reduxerant, Bibuli filios duos interfecerant, bella cum Aegyptiis gesserant. Hunc usum rei militaris habebant.

Traduction française :

 
[3,110] (1) Les troupes que commandait Achillas n'étaient pas à mépriser, soit à cause de leur nombre, soit par leur courage et leur expérience. (2) Il avait sous les armes vingt mille hommes. C'étaient des soldats de Gabinius: accoutumés alors à la vie et aux moeurs d'Alexandrie, ils avaient perdu le souvenir du peuple romain et de sa discipline; ils s'étaient mariés, et la plupart avaient des enfants. (3) À eux s'était joint un ramassis de voleurs et de brigands, de Syrie, de Cilicie et des pays voisins, sans compter une foule de gens condamnés à mort et bannis. (4) Nos esclaves fugitifs trouvaient dans Alexandrie une retraite assurée et une certaine existence, dès qu'ils se faisaient enregistrer au nombre des soldats. Si quelqu'un d'eux était arrêté par son maître, tous accouraient et l'arrachaient de ses mains, parce que, également coupables, ils défendaient leur propre cause. (5) Selon une ancienne coutume de l'armée d'Alexandrie, ils pouvaient demander la mort des favoris qui leur déplaisaient, s'enrichir par le pillage des riches, assiéger le palais de leurs rois, ôter et donner la couronne. Il y avait en outre deux mille cavaliers (6) vieillis dans les guerres d'Alexandrie: c'étaient ceux qui avaient rétabli Ptolémée, tué les deux fils de Bibulus, et fait la guerre aux Égyptiens. Ils avaient donc assez d'expérience de la guerre.


Texte latin :

 
[3,111] (111) His copiis fidens Achillas paucitatemque militum Caesaris despiciens occupabat Alexandriam praeter eam oppidi partem, quam Caesar cum militibus tenebat, primo impetu domum eius irrumpere conatus; sed Caesar dispositis per uias cohortibus impetum eius sustinuit. Eodemque tempore pugnatum est ad portum, ac longe maximam ea res attulit dimicationem. Simul enim diductis copiis pluribus uiis pugnabatur, et magna multitudine naues longas occupare hostes conabantur; quarum erant L auxilio missae ad Pompeium proelioque in Thessalia facto domum redierant, quadriremes omnes et quinqueremes aptae instructaeque omnibus rebus ad nauigandum, praeter has XXII, quae praesidii causa Alexandriae esse consuerant, constratae omnes; quas si occupauissent, classe Caesari erepta portum ac mare totum in sua potestate haberent, commeatu auxiliisque Caesarem prohiberent. Itaque tanta est contentione actum, quanta agi debuit, cum illi celerem in ea re uictoriam, hi salutem suam consistere uiderent. Sed rem obtinuit Caesar omnesque eas naues et reliquas, quae erant in naualibus, incendit, quod tam late tueri parua manu non poterat, confestimque ad Pharum nauibus milites euit.

Traduction française :

 
[3,111] (1) Achillas, plein de confiance dans ses troupes, et méprisant les soldats peu nombreux de César, s'empara de la ville, à l'exception du quartier que celui-ci occupait; et où il essaya d'abord de le forcer dans sa maison; mais César, ayant distribué ses cohortes à l'entrée des rues, soutint son attaque. (2) Dans le même temps on se battait aussi du côté du port, ce qui mit beaucoup d'acharnement dans la lutte. (3) En effet, tandis que nos troupes divisées combattaient dans plusieurs rues de la ville, la multitude des ennemis s'efforçait de s'emparer de la flotte, laquelle consistait en cinquante galères qu'on avait envoyées au secours de Pompée, et qui, après la bataille de Pharsale, étaient revenues au port. Ces galères étaient à trois et à cinq rangs de rames, et pourvues de tout ce qui était nécessaire pour la navigation. De plus, il y en avait vingt-deux autres, toutes pontées, lesquelles formaient la station ordinaire d'Alexandrie. (4) S'ils avaient réussi à s'en emparer, une fois maîtres de la flotte, ils avaient à eux le port et toute la mer, et empêchaient les vivres et les secours d'arriver jusqu'à César. (5) Aussi l'action fut-elle aussi vive qu'elle devait l'être entre des soldats dont les uns cherchaient dans le succès une prompte victoire, et les autres leur salut: (6) mais César l'emporta. Ne pouvant, avec si peu de troupes, occuper un si vaste terrain, il brûla toutes ces galères ainsi que celles qui étaient dans les arsenaux; et aussitôt après, il alla faire une descente au Phare.


Texte latin :

 
[3,112] (112) Pharus est in insula turris magna altitudine, mirificis operibus exstructae; quae nomen ab insula accepit. Haec insula obiecta Alexandriae portum efficit; sed a superioribus regibus in longitudinem passuum a DCCC in mare iactis molibus angusto itinere ut ponte cum oppido coniungitur. In hac sunt insula domicilia Aegyptiorum et uicus oppidi magnitudine; quaeque ibi naues imprudentia aut tempestate paulum suo cursu decesserunt, has more praedonum diripere consuerunt. Eis autem inuitis, a quibus Pharus tenetur, non potest esse propter angustias nauibus introitus in portum. Hoc tum ueritus Caesar, hostibus in pugna occupatis, militibus eitis Pharum prehendit atque ibi praesidium posuit. Quibus est rebus effectum, uti tuto frumentum auxiliaque nauibus ad eum supportari possent. Dimisit enim circum omnes propinquas prouincias atque inde auxilia euocauit. Reliquis oppidi partibus sic est pugnatum, ut aequo proelio discederetur et neutri pellerentur (id efficiebant angustiae loci), paucisque utrimque interfectis Caesar loca maxime necessaria complexus noctu praemuniit. In eo tractu oppidi pars erat regiae exigua, in quam ipse habitandi causa initio erat inductus, et theatrum coniunctum domui quod arcis tenebat locum aditusque habebat ad portum et ad reliqua naualia. Has munitiones insequentibus auxit diebus, ut pro muro obiectas haberet neu dimicare inuitus cogeretur. Interim filia minor Ptolomaei regis uacuam possessionem regni sperans ad Achillam sese ex regia traiecit unaque bellum administrare coepit. Sed celeriter est inter eos de principatu controuersia orta; quae res apud milites largitiones auxit; magnis enim iacturis sibi quisque eorum animos conciliabat. Haec dum apud hostes geruntur, Pothinus, nutricius pueri et procurator regni in parte Caesaris, cum ad Achillam nuntios mitteret hortareturque, ne negotio desisteret neue animo deficeret, indicatis deprehensisque internuntiis a Caesare est interfectus. Haec initia belli Alexandrini fuerunt.

Traduction française :

 
[3,112] (1) Le Phare est une tour très élevée, d'une architecture merveilleuse, bâtie dans une île dont elle porte le nom. (2) Cette île, située en face d'Alexandrie, en forme le port; des môles de neuf cents pas de long, jetés dans la mer par les anciens rois du pays, unissent, par un canal étroit et par un pont, le Phare à la ville. (3) Il y a dans cette île des habitations d'Égyptiens qui forment un bourg de la grandeur d'une ville; et quand quelque vaisseau s'écarte de sa route par imprudence ou par la violence du vent, les habitants le pillent, à la façon des corsaires. (4) L'entrée du port est si étroite qu'aucun vaisseau n'y peut pénétrer malgré ceux qui occupent le Phare. (5) C'est avec la crainte de trouver ces obstacles que César, tandis que l'ennemi se battait ailleurs, débarqua ses troupes dans le Phare et s'y établit. (6) Dès lors il put en sûreté recevoir, par mer, des vivres et des secours; aussi envoya-t-il en chercher dans toutes les contrées voisines. (7) Dans les autres quartiers de la ville les combattants firent retraite avec des chances égales, et sans qu'aucun des deux partis fût chassé de son poste, vu l'étroit espace du terrain. Après quelques hommes tués de part et d'autre, César, s'étant saisi des postes les plus importants, s'y fortifia pendant la nuit. (8) Il y avait dans ce quartier de la ville une petite portion du palais, où César s'était d'abord logé en arrivant ; elle était jointe à un théâtre servant de citadelle, et communiquant au port et à l'arsenal. (9) Il en augmenta les fortifications les jours suivants, pour s'en faire un rempart, afin qu'on ne pût pas le forcer à combattre. (10) Cependant la fille cadette du roi Ptolémée, regardant le trône comme vacant, et se flattant d'y monter, s'échappa du palais, alla joindre Achillas, et se mit à diriger la guerre avec lui. (11) Mais bientôt il s'éleva entre eux des querelles sur le commandement; ce qui profita aux soldats, car chacun d'eux s'efforçait par des largesses de se les attacher. (12) Cependant Pothin, gouverneur du jeune roi et administrateur du royaume, écrivait du quartier de César à Achillas, pour l'exhorter à tenir bon et à ne pas perdre courage; ses messagers, ayant été mis à mort et saisis, César le fit mourir. Tels furent les commencements de la guerre d'Alexandrie.

 

 

 

 

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César (?), Commentaires sur la Guerre d'Alexandrie

Cleopatrae

 


 


Texte latin :

 
[31] Caesar cum uideret milites acrius proeliari non posse nec tamen multum profici propter locorum difficultatem, cumque animum aduerteret excelsissimum locum castrorum relictum esse ab Alexandrinis, quod et per se munitus esset et studio partim pugnandi partim spectandi decucurrissent in eum locum in quo pugnabatur, cohortis illo circumire castra et summum locum aggredi iussit eisque Carfulenum praefecit, et animi magnitudine et rei militaris scientia uirum praestantem. Quo ut uentum est, paucis defendentibus munitionem, nostris contra militibus acerrime pugnantibus, diuerso clamore et proelio perterriti Alexandrini trepidantes in omnis partis castrorum discurrere coeperunt. Quorum perturbatione nostrorum animi adeo sunt incitati ut paene eodem tempore ex omnibus partibus, primi tamen editissimum castrorum locum caperent; ex quo decurrentes magnam multitudinem hostium in castris interfecerunt. Quod periculum plerique Alexandrini fugientes aceruatim se de uallo praecipitarunt in eam partem quae flumini erat adiuncta. Horum primis in ipsa fossa munitionis magna ruina oppressis ceteri faciliorem fugam habuerunt. Constat fugisse ex castris regem ipsum receptumque in nauem multitudine eorum qui ad proximas nauis adnatabant demerso nauigio perisse.

Traduction française :

 
[31] (1) César voyait que ses troupes ne pouvaient combattre avec plus de bravoure; et que pourtant elles faisaient peu de progrès à cause du désavantage du terrain. S'étant aperçu que la partie la plus élevée du camp ennemi était dégarnie de troupes, soit parce qu'elle se défendait d'elle-même, soit parce que les uns, par curiosité, les autres par le désir de combattre, l'avaient abandonnée pour courir au lieu où se passait l'action, il ordonna aux cohortes de tourner le camp et de gagner cette hauteur: il avait mis à leur tête Carfulénus, homme non moins distingué par son grand coeur, que par ses talents militaires. (2) Dès qu'elles furent arrivées, comme elles trouvèrent peu de résistance et qu'elles combattirent avec vigueur, les Alexandrins, effrayés par les cris qui s'élevaient de divers points, et par cette attaque inopinée, se mirent à fuir partout dans le camp. (3) Animés par ce désordre, les nôtres forcèrent presque en même temps tous les quartiers; déjà la hauteur avait été enlevée, et nos gens, tombant de là sur les ennemis, en avaient fait un grand carnage. (4) La plupart des Alexandrins, pour fuir le péril, se précipitèrent en foule du haut des remparts du côté qui joignait le fleuve. (5) Les premiers, ayant été écrasés en grand nombre dans le fossé, facilitèrent la fuite des autres. (6) Il est certain que le roi lui-même prit la fuite, et se jeta dans un vaisseau; mais la quantité de ceux qui gagnaient à la nage les navires les plus rapprochés, fit couler à fond ce vaisseau, et le roi périt.


Texte latin :

 
[32] Re felicissime celerrimeque gesta Caesar magnae uictoriae fiducia proximo terrestri itinere Alexandream cum equitibus contendit atque ea parte oppidi uictor introiit quae praesidio hostium tenebatur. Neque eum consilium suum fefellit quin hostes eo proelio audito nihil iam de bello essent cogitaturi. Dignum adueniens fructum uirtutis et animi magnitudinis tulit: omnis enim multitudo oppidanorum armis proiectis munitionibusque suis relictis, ueste ea sumpta qua supplices dominantis deprecari consuerunt, sacrisque omnibus prolatis quorum religione precari offensos iratosque animos regum erant soliti, aduenienti Caesari occurrerunt seque ei dediderunt. Caesar in fidem receptos consolatus per hostium munitiones in suam partem oppidi magna gratulatione uenit suorum, qui non tantum bellum ipsum ac dimicationem sed etiam talem aduentum eius felicem fuisse laetabantur.

Traduction française :

 
[32] (1) Après un si prompt et si heureux succès, César, comptant sur l'effet d'une pareille victoire, se rendit à Alexandrie avec sa cavalerie, par le plus court chemin de terre, et entra en vainqueur par le côté que l'ennemi occupait. (2) Et il ne se trompa point dans l'idée qu'il eut, qu'après la nouvelle de ce combat, les ennemis ne penseraient plus à la guerre. (3) Il recueillit à son arrivée le digne fruit de son courage et de sa grandeur d'âme; car tous les habitants ayant jeté leurs armes, abandonné leurs retranchements, pris des habits de suppliants comme font ceux qui veulent implorer la grâce du vainqueur, et précédés de ce qu'ils avaient de plus sacré, comme quand ils voulaient apaiser la juste colère de leurs rois, vinrent au devant de César, et se livrèrent entre ses mains. (4) César, après avoir accepté leur soumission et les avoir rassurés, se rendit à travers les retranchements ennemis dans les quartiers de ses troupes, lesquelles se réjouissaient non seulement de sa victoire qui terminait la guerre, mais aussi de son heureux retour.


Texte latin :

 
[33] Caesar Aegypto atque Alexandrea potitus reges constituit quos Ptolomaeus testamento scripserat atque obtestatus erat populum Romanum ne mutarentur. Nam maiore ex duobus pueris, rege, amisso minori tradidit regnum maiorique ex duabus filiis, Cleopatrae, quae manserat in fide praesidiisque eius; minorem, Arsinoen, cuius nomine diu regnasse impotenter Ganymeden docuimus, deducere ex regno statuit, ne qua rursus noua dissensio, prius quam diuturnitate confirmarentur regibus imperia, per homines seditiosos nasceretur. Legiones ibi ueterana sexta secum reducta ceteras reliquit, quo firmius esset eorum regum imperium, qui neque amorem suorum habere poterant, quod fideliter permanserant in Caesaris amicitia, neque uetustatis auctoritatem, paucis diebus reges constituti. Simul ad imperi nostri dignitatem utilitatemque publicam pertinere existimabat, si permanerent in fide reges, praesidiis eos nostris esse tutos; si essent ingrati, posse isdem praesidiis coerceri. Sic rebus omnibus confectis et collocatis ipse {itinere terrestri} profectus est in Syriam.

Traduction française :

 
[33] (1) César, maître de l'Égypte et d'Alexandrie, y établit pour rois ceux que Ptolémée avait désignés par son testament, en suppliant le peuple romain de n'y rien changer. (2) En effet, le roi, qui était l'aîné des deux fils, étant mort, il donna la couronne au plus jeune et à l'aînée des filles, Cléopâtre, qui, fidèle au parti de César, n'avait point quitté le quartier qu'il occupait. À l'égard d'Arsinoé, la plus jeune, sous le nom de laquelle Ganymède, ainsi que nous l'avons rapporté, avait longtemps exercé une cruelle tyrannie, il résolut de la faire sortir du royaume, dans la crainte que les séditieux ne se servissent d'elle pour exciter de nouveaux troubles avant que l'autorité des deux rois eût eu le temps de s'affermir. (3) Ne prenant avec lui que la sixième légion composée de vétérans, il laissa les autres en Égypte pour mieux assurer le pouvoir des rois que leur dévouement à César rendait peu agréables à leurs sujets, et qui, établis rois depuis si peu de jours, n'avaient pas encore ce prestige qui ne s'attache qu'à une autorité ancienne. (4) Il pensait aussi qu'il était de notre dignité et de notre intérêt de les soutenir avec nos troupes s'ils demeuraient fidèles, ou de les réprimer avec ces mêmes troupes, s'ils étaient ingrats. (5) Après avoir ainsi tout terminé et arrangé, César prit par terre le chemin de la Syrie.